Violences scolaires, la grande hypocrisie

Depuis la fin médiatique des conséquences du séisme haïtien, nos ondes et nos colonnes sont pleines des violences scolaires et de la révolte des « profs » face à leur abandon par les pouvoirs publics.

Sans nier ces faits, attachons nous au contexte tant sociétal que syndical qui les président.

En premier lieu, une agitation dans l’éducation nationale à proximité des élections n’est jamais le fruit du hasard. Que les revendications portent sur la sécurité n’est pas anodin non plus. Le Président Sarkozy a été élu en 2007 sur ce thème. Expliquer que l’on égorge nos fils et nos compagnes dans nos écoles n’est sans doute pas destiné à souligner une prise de conscience soudaine de la part du corps enseignant, des nécessités d’une répression accrue de la délinquance. Il n’est pour s’en persuader, qu’à écouter le pathos pitoyable de leurs  représentants « syndicaux » pour s’en convaincre.

Ce n’est qu’une question de moyens, nous assènent ces visionnaires. Le gouvernement sacrifie l’Ecole et la formation sur l’autel d’une politique budgétaire inégalitaire. Comme si tout serait résolu avec des surveillants et des profs supplémentaires.

Attardons nous un instant sur les pions. Il faudrait, pour résoudre le problème, mettre plus d’adultes dans les lycées. Peut on sérieusement croire qu’un étudiant de 19 ans soit suffisamment charismatique pour imposer le respect à un élève qui n’a que peu d’années de moins que lui quand il n’est pas plus vieux ? Sauf à ne recruter que des ceintures noires de judo, la solution ne viendra pas de là.  Ce sont, d’ailleurs,  ceux qui crient au loup aujourd’hui qui, hier, dénonçaient les surveillants comme autant d’entraves à la liberté et à l’épanouissement des enfants. Nous avons sous les yeux le résultat de quarante années de soixante huitarisme pédagogique. Il était interdit d’interdire, on en voit le résultat.

Autre constat, cette violence n’est pas générale. Elle est, au contraire, très géo-localisée. C’est dans les établissements de nos « quartiers sensibles » – terme politiquement correct pour désigner les bantoustans que l’aveuglement de nos politiciens a laissé se développer dans la périphérie de nos villes – que se situent ces intrusions. Pour être agressé par une bande, il faut être dans sa vissinité. Les ghettos multiculturels produisent des regroupements ethniques qui s’approprient leurs territoires en luttant contre toutes les autorités constituées, l’école étant une de celles ci.

La réponse à ce phénomène ne peut pas reposer uniquement sur la sécurité publique. Celle-ci doit s’accompagner d’un renforcement du respect de l’enseignement et des personnels qui en ont la charge.

Pour ce faire il faut en finir avec le mythe du « gentil pédagogue » plein de bonne volonté qui ne peut remplir sa mission parce qu’une société bourgeoise égoïste, non contente de lui rationner les moyens dont il a besoin pour mener à bien son sacerdoce, a rejeté ses chères têtes blondes dans la misère et le désespoir. Laissons le marxisme à deux francs dans le caniveau dont il n’aurait jamais dut sortir. Si la société est responsable de quelque chose dans cette situation, c’est d’avoir toléré et entretenu par lâcheté, un corporatisme syndical quasi mafieux qui a conduit l’Education nationale dans l’impasse où elle se trouve aujourd’hui.

On s’étonne à juste titre que seuls de très jeunes professeurs officient dans les zones sensibles. C’est parce que les autres ont déserté depuis longtemps des lieux où il n’y a que des coups à prendre et aucun avantage à gagner.  Les affectations sont décidées par des commissions dites paritaires, où les syndicats ont en réalité le rôle dominant. Un poste n’est pas attribué sur des critères d’efficacité professionnelle mais d’appartenance syndicale. Pour fuir, par exemple, la Seine Saint Denis et pouvoir enseigner à Montpellier, il faut être dans les bonnes grâces des leaders syndicaux. Si l’on ajoute à cela qu’une fois arrivé à ses fins, un professeur qui ne demande pas à partir est inamovible, rien d’étonnant dès lors à ce que le ministère affecte les nouveaux venus dans les académies désertés. L’avantage d’un débutant c’est que par définition, il est mobile. On ne s’étonnera pas non plus de l’hyper syndicalisation d’un corps où la carrière est à ce point liée au bon vouloir des syndicats.

On dénonce aussi à tour de bras le manque de respect des élèves pour leurs enseignants. Pour être respecté encore faut-il être respectable.

L’école est un lieu de transmission des savoirs. Tout apprentissage est rude et exigeant, tous les individus ne vivent pas l’effort de la même façon. L’institution est discriminante au sens premier du terme, elle fait le tri, elle oriente, elle détermine. L’enfant roi est confronté, pour la première fois à la réalité, le génie qui sommeille en lui peut très bien ne jamais s’éveiller. Certains sont plus doués que d’autres, la nature est ainsi faite que tous ne sont pas destinés à enseigner au Collège de France. Alors que l’on nous abruti à longueurs d’ondes à nous répéter que nous sommes tous égaux, le professeur, le plus souvent à son corps défendant, est le premier à nous faire comprendre que nous ne le sommes pas. Pourquoi cette réalité qui est parfaitement admise dans le sport, ne l’est-elle pas pour ce qui est de l’acquisition des savoirs ? Parce qu’à la différence des éducateurs sportifs, les enseignants, n’acceptent pas ce rôle. Ils sont les premiers vecteurs de la culture de l’excuse qui consiste à rejeter sur la société les insuffisances des individus. S’ils prenaient conscience que leur mission consiste aussi à sélectionner,  on franchirait une étape dans le retour du respect. S’accepter soi même pour ce que l’on est, c’est aller vers la reconnaissance d’autrui.

Un autre pas sera fait en ce sens le jour où l’on parlera clairement des heures de travail. Un professeur de collège doit effectuer 18 heures de cours par semaine, un agrégé 15. Si l’on rajoute les vacances scolaires, on est loin, très loin des 35 heures. Cette dérogation est justifiée, à en croire ses bénéficiaires, par le fait qu’il faut préparer les cours, se former et corriger les copies.  En réalité, les cours sont les mêmes d’une année sur l’autre sinon comment expliquer le tollé que provoque chaque changement de programme ? La formation se fait systématiquement sur les heures de cours, jamais pendant les congés, ce qui, rajouté à l’absentéisme chronique de certains, n’impose pas le respect. Quant au temps de correction il varie très nettement en fonction de la matière et de la tranche d’âge. Les élèves de sixième ne font pas six pages de dissertation sur la chute de l’Empire Romain et une dictée n’est pas un bac blanc. Enfin et compte tenu de ce qui précède, on pourrait envisager d’impliquer un peu plus les professeurs dans la vie de leurs établissements. Quatre heures de tutorats rémunérés, par semaine, ne pousseront pas les enseignants vers les cadences infernales des ouvriers chinois, tout en augmentant sensiblement leurs fins de mois. Plus de souplesse, moins de monolithisme et d’avantage d’implication des intéressés sont nécessaires pour remettre le Mammouth à l’endroit.

Bref s’ils se servaient un peu moins du public pour le servir un peu plus, peut-être les professeurs y gagneraient-ils, en retour, un plus grand respect pour le service public de l’éducation auquel ils sont censés œuvrer… par vocation.

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